Où sont passés les vaccins par voie nasale ?
Chez l'Homme, les parties respiratoires sont prônes aux infections virales, et le coronavirus SARS-CoV-2 en est le parfait exemple. Dès le début de l’épidémie, le virus a été décrit comme causant des syndromes respiratoires sévères. Pourtant, la question des vaccins par voie nasale n’a été que peu abordée dans les médias, malgré des études précliniques convaincantes.
Or le professeur allemand Christian Drosten, célèbre pour avoir développé le premier un test pour le SARS-Cov-2, lui-même soulignait qu'il serait crucial de mieux comprendre l'immunité au niveau des muqueuses nasales (webinaire sur la R-D organisé par l'Organisation mondiale de la Santé, OMS, il y a peu.
La transmission des virus aériens se fait principalement via les particules d’eau générées par le fait de parler, chanter, éternuer, tousser, etc. Chez le coronavirus, les virions mesurent entre 50 et 200 nm. Ils sont contenus dans des particules d’eau qui peuvent faire plus de 100 000 nm (100 µm). Et on le sait depuis longtemps, ces particules d’eau peuvent voyager loin, sur les courants d'air dans les espaces clos et persister selon les conditions de l'environnement en question (source 1). D’ailleurs, les spécialistes du MIT avaient avertis dès mars 2020 sur les risques de transmission aérienne, et des centaines de scientifiques ont écrit des pétitions pour que l'OMS et les CDC abandonnent la (vieille) idée d'une transmission SEULEMENT sur courte distance (un mètre ou deux) - les CDC des USA ont fini par admettre la propagation plus loin, et AMR TDT a rapporté cette vision scientifique très tôt, et le débat continu avec les instances officielles, puisqu'aucun gouvernement n'a pris des mesures en conséquences (voir notre newsletter (LIEN)).
Il peut surprendre alors de voir que tous les vaccins développés et mis sur le marché actuellement soient des vaccins intermusculaires. D’autant plus surprenant que malgré l’efficacité des vaccins actuels, plusieurs articles et rapports médicaux montrent que le virus persiste dans les voies aériennes. Par exemple, deux études de 2020 montrent que lors des études précliniques sur des animaux vaccinés par adénovirus (Ad26) et par ARN message (mRNA-1273), deux vaccins intramusculaires, « les particules virales collectés par échantillons de mucus nasals persistent, même chez des animaux protégés contre la COVID-19 » (sources 2, 3). L’efficacité des vaccins intramusculaire est démontrée, mais si ces derniers n’empêchent pas le virus de persister dans les muqueuses nasales, alors ils n’empêchent pas la contamination… (source 4)
Et ça, à l’échelle collective, c’est un problème. La notion même d'immunité collective ou 'de groupe' n'est pas défendable actuellement avec les vaccins sur le marché.
Plusieurs scientifiques et médecins demandent donc que l’on étudie plus sérieusement les vaccins par voie nasales. Notamment, un article récent (source 5) permet de faire un point détaillé sur ce qui serait faisable, et ce qui a été fait jusqu’à présent.
Les vaccins administrés par voie nasales ont été développés et discutés depuis environ 20 ans, (quelques articles datant de 1999), notamment pour la grippe. Ils ont l’avantage de provoquer une réponse systémique (entrainer notre réponse immunitaire face aux infections futures) mais ils induisent aussi une réponse locale très forte, qui peut mieux protéger les muqueuses nasales et les voies respiratoires inférieures (comme les bronches et les poumons).
Un autre avantage est que l’administration de vaccin intranasal ne requiert pas de personnel soignant hautement spécialisé. Donc, la logistique pour un tel vaccin est très simplifiée : on pourrait maximiser la couverture vaccinale plus facilement, même dans les zones où le personnel soignant très qualifié est limité. On éviterait également les effets secondaires dû à l’injection intramusculaire.
Enfin, on éviterait la situation actuelle qui fait qu'on envoie de plus en plus de vaccins injectables, sans obligatoirement y ajouter des seringues, créant un énorme risque de disséminer des maladies transmissibles par le sang, hépatites, VIH ou autre.
Alors, malgré ces avantages, pourquoi ne pas avoir encore mis sur le marché des vaccins administrés par voie nasales ? La question est de savoir si les vaccins intranasaux 1) sont scientifiquement pertinents contre le Sars-Cov-2, et 2) si les vaccins sont efficaces chez l’homme. Ces questions sont actuellement étudiées.
D’un point de vue biologique il faut s’intéresser à la location des particules virales du Sars-COV-2 dans son hôte. Le virus se fixe aux cellules humaines via un complexe protéique : la fameuse protéine S (ou spike) qui permet au virus de fusionner avec la membrane des cellules hôtes, notamment celles qui possèdent la cible spécifique de la protéine S : les récepteurs de surface ACE2 (receptor angiotensin-converting enzyme 2). De manière intéressante, un article en particulier (source 6) montre que la concentration de protéine ACE2 est la plus importante dans l’épithélium nasal, c’est-à-dire dans les cellules des paroies nasales, et la plus faible dans les alvéoles pulmonaires. Le virus a donc plus de chance d’être localisé dans les parties respiratoires, en particulier au niveau de la muqueuse nasale, même s’il est présent dans d’autres partie du corps (ne l’oublions pas, on en retrouve également dans les selles). Un vaccin localisé au niveau des voies nasales semble donc très pertinent pour maximiser la protection locale.
Ensuite, il faut aborder la question du développement des vaccins et de leur efficacité. Nous bénéficions de plusieurs types de vaccins (plusieurs « technologies ») les virus atténués, les vaccins mRNA, etc… Or, en fonction des types de technologies, les premières études mentionnées par l’article cité plus haut, semble montrer que la réponse immunitaire induite peut varier. Il faut également que le vaccin reste suffisamment longtemps dans les voies nasales pour atteindre et agir sur les muqueuses.
Des études ont été conduites chez les souris, les hamsters et les macaques et elles ont montrés que les vaccins par voie nasale induisent une bonne réponse immunitaire, non seulement au niveau de la muqueuse nasale, mais aussi jusque dans les voies respiratoires inférieures, prévenant ainsi la diffusion et la multiplication du virus – et donc la probabilité de transmission entre animaux. L’Institut Pasteur a d’ailleurs développé un vaccin ‘lentiviral’, testé chez les souris et les hamsters, et note ainsi que « La vaccination par la voie nasale par ce vecteur réduit d’une façon drastique la charge virale dans les poumons et prévient l’inflammation pulmonaire pathogénique ».
A partir de ces études sur les vaccins par voie nasale, il semble que ces vaccins pourraient offrir une protection tout aussi efficace chez l’homme, possiblement de la même qualité que les vaccins intramusculaires. Leur efficacité restent toutefois à tester chez l’homme. Nous espérons que les gouvernements feront le nécessaire pour soutenir les efforts de développement de ces vaccins potentiels et entreprendre les études cliniques.
Dr. Arno Germond
Cet article est en grande partie issue d’une synthèse d’une publication scientifique (source 5).
Sources :
1 - https://www.techno-science.net/actualite/etude-surprenante-projections-eternuements-toux-N12683.html
2 - Mercado N.B., Zahn R. Single-shot Ad26 vaccine protects against SARS-CoV-2 in rhesus macaques. Nature. 2020;586:583–588. doi: 10.1038/s41586-020-2607-z.
3 - Corbett K.S., Flynn B. Evaluation of the mRNA-1273 Vaccine against SARS-CoV-2 in Nonhuman Primates. N. Engl. J. Med. 2020;383:1544–1555. doi: 10.1056/nejmoa2024671.
4 - Bleier B.S., Ramanathan M. COVID-19 Vaccines May Not Prevent Nasal SARS-CoV-2 Infection and Asymptomatic Transmission. Otolaryngol. - Head Neck Surg. (United States). 2021 doi: 10.1177/0194599820982633.
5 - https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8099545/#b0260
6 - Hou Y.J., Okuda K. SARS-CoV-2 Reverse Genetics Reveals a Variable Infection Gradient in the Respiratory Tract. Cell. 2020;182:429–446.e14. doi: 10.1016/j.cell.2020.05.042